#Sexismeordinaire : être une femme en 2016
Qu’est-ce que le sexisme ordinaire ?
Le sexisme ordinaire pourrait être défini comme la banalisation d’attitudes, de comportements ou de réflexions misogynes. Il est l’héritier de stéréotypes et de représentations collectives sur le groupe des femmes. Par exemple, les femmes seraient douces et auraient l’instinct maternel. Il se traduit par des mots, des gestes ou des actes qui infériorisent les femmes.
On ne peut comprendre le sexisme ordinaire sans parler des rapports de domination. En effet, le sexisme ordinaire vient de l’idée que le genre est un indicateur de valeur. Les femmes, par leur sexe, sont perçues comme inférieures. La comparaison étant faite avec le groupe des hommes. Pierre Bourdieu le rappelle dans la Domination masculine en énonçant que « les femmes ont en commun d’être séparées des hommes par un coefficient symbolique négatif ».
Le sexisme ordinaire n’est pas illégal. Il ne relève pas du harcèlement sexuel, ni de l’agression. Et pourtant, c’est une forme de violence subie quotidiennement par les femmes. Il remet en cause la légitimité des femmes dans de nombreuses situations notamment dans l’emploi. Il est visible dans le monde du travail mais aussi dans la publicité, dans les jouets pour enfants, dans le type de métiers exercés, dans la rue ou les transports.
#Sexismeordinaire, paroles de femmes
Né le 15 mai 2016 suite à l'Affaire Denis Baupin, le blog #Sexismeordinaire recense les réflexions sexistes subies quotidiennement par les femmes au travail. Le premier post prend la forme d’une lettre ouverte contre le sexisme. L’objectif est de montrer que le sexisme ordinaire est un phénomène général. Il est ordinaire par sa présence dans tous les lieux, toutes les situations, tous les secteurs d’activité. Il est ordinaire aussi parce qu’il n’est pas condamné par la loi, parce qu’il est toléré.
D’autres initiatives avaient déjà été lancées sur la toile avec le blog « une année de sexisme ordinaire » en 2006 ou le « Projet Crocodile ».
Le blog souhaite démontrer que sexisme ordinaire ne veut pas dire sexisme banal. Toutes les femmes, peu importe leur âge, leur milieu professionnel, leur statut, peuvent en être des victimes.
Parmi les propos tenus, certains stéréotypes ressortent particulièrement :
• Le corps et la tenue des femmes justifient leur place dans l’entreprise avec des citations comme « dans ce milieu, la place de la femme, c’est en tailleur dans la vitrine ! » ou « bah tu vas mettre ta jupe et tu vas y aller ! »
• La maternité expliquerait la place inférieure des femmes dans l’emploi avec des phrases entendues telles que « tu reviens de congé maternité, tu dois faire tes preuves » ou « Ah vous êtes enceinte… Bah, on va faire un CDD alors ».
• Les compliments qui n’en sont qu’à moitié pour les femmes qui les reçoivent du style « oui, j’ai de la chance, ma collaboratrice est très jolie et en plus elle est intelligente ».
Vous avez déjà entendu une phrase semblable à celles-ci ? Vous avez donc été victime du sexisme ordinaire.
2016 : l’année des avancées dans la lutte contre le sexisme ordinaire ?
Le gouvernement français a pris conscience du sexisme ordinaire grâce à un rapport rendu le 6 mars 2015 par deux chercheuses. Le rapport intitulé « le sexisme dans le monde du travail » a été remis à Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales, et à Pascale Boistard, Secrétaire d’Etat aux droits des femmes.
Ce rapport chiffre l’ampleur du phénomène :
• 80% des femmes considèrent qu’elles « sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes ».
• 42% des femmes se sentent concernées par le sexisme au travail par des compliments sur leur tenue.
• 80% subissent des « blagues » sur les femmes.
• 47% se sentent la cible d’incivilités au travail en raison de leur sexe.
Néanmoins, si le sexisme ordinaire est si répandu, c’est aussi parce que les femmes victimes de celui-ci n’évoquent pas le sujet. En effet, le rapport montre que 9% d’entre elles en ont déjà parlé à leurs supérieurs hiérarchiques et 4% à leurs représentants syndicaux.
Les chercheuses montrent aussi que le sexisme ordinaire impacte la santé des femmes et leur travail. Il baisse leur confiance en elle, leur performance et leur bien-être au travail.
Le rapport montre que le sexisme ordinaire n’est pas pris en charge à cause de son caractère flou. Les auteurs comme les victimes ne savent pas toujours distinguer sexisme ordinaire, harcèlement ou discrimination. Les chercheuses préconisent donc de définir le concept, de le mesurer par des enquêtes et d’organiser des formations des acteurs de l’entreprise.
Si la lutte contre le sexisme ordinaire a commencé il y a près de cinquante ans avec des féministes comme Simone de Beauvoir, le combat est loin d’être gagné. Alors, on vous conseille d’agir pour le changement. Vous êtes dans votre bon droit : faites remonter les remarques désobligeantes, signifiez à vos collègues qu’ils dépassent les limites et que ce n’est pas drôle… L’égalité hommes-femmes doit exister !