Harry, un collègue qui vous veut du bien.
Lundi, 9h. Vous arrivez au bureau et, même si vous arborez un sourire, votre cœur pleure à l’intérieur. Harry est déjà là, et lui ne se plaint pas du lundi, mais de son week-end. Vous avez à peine eu le temps de placer votre capsule de café dans la machine et d’appuyer sur le bouton qu’il vous a déjà raconté l’anniversaire de son chien, la manif qui a bloqué sa rue dimanche, et sa trouvaille de la vidéo d’un gorille qui sait jouer de la batterie. C’est là que vous décrochez, de toute façon vous n’avez pas besoin de lui répondre, vous vous contentez de hocher la tête parfois d’un air entendu. De toute façon, tous les matins, c’est la même chose : Harry est persuadé que vous avez pris ce poste pour écrire sa biographie en 5 volumes. Vous connaissez chaque détail de sa vie, des photos de ce qu’il a mangé la veille à ses chansons préférées qu’il passe dans l’open space, en pensant que Maxime Leforestier est au goût de tous.
Mardi, 12h. A 11h59, Harry savait déjà les plans de tout le monde pour le déjeuner, après avoir fait sa ronde quotidienne. Friand de repas entre collègues pour créer une ambiance de franche camaraderie, Harry est toujours déçu lorsque personne ne veut aller goûter le nouveau petit fast-food d’à côté avec lui, et toujours offusqué lorsque quelqu’un a ramené ses carottes râpées alors que vous auriez pu aller au nouveau petit fast-food d’à côté, tout de même.
Mercredi, 14h. Harry vous fait la gueule car vous avez préféré aller vous chercher une salade plutôt que d’aller manger un burger avec lui. Quoi qu’il en soit, vous vous remettez au travail sans sourciller. Mais la vie en open space ne laisse jamais de répit : voici Harry parti dans un concert philarmonique qui convoque un quatuor d’agrafeuse, trombone, presse-papier et stylo. Vous tentez de ne pas montrer votre irritation, vous bougez même la tête en rythme. Tant qu’à faire, peut-être que si vous rentrez dans son jeu, il arrêtera. Que nenni ! Emporté par l’ivresse de l’illusion du succès, Harry est persuadé que cela vous plaît, et sa bouche commence même à émettre quelques sons improbables. Vous pensez à démissionner.
Jeudi, 16h. Harry vous fait une crise de jalousie lorsqu’il vous voit en pleine discussion avec Serge durant votre pause-café. Pour le calmer, vous lui parlez du dossier 28X.2, et lui posez des questions. Harry aime qu’on lui pose des questions. Harry aime vous apprendre des choses sur tout et n’importe quoi, corriger vos fautes de français, vous aider à résoudre un problème d’informatique ou vous dire, simplement, que vous avez tort. Car Harry se fera toujours un malin plaisir de montrer aux autres qu’il est le meilleur, sinon une discussion n’a aucun intérêt.
Vendredi, 18h. Le week-end tant attendu est là ! Mais à chaque fois, c’est la même chose. Harry vous fait les mêmes blagues, ou les mêmes remarques, avec le même clin d’œil complice qui vous fait presque de la peine. « Pas de bêtise hein ! », « A Lundi, dans la joie et la bonne humeur ! », « A plus dans l’bus ! », ou encore « Ce n’est qu’un au revoir ! ». L’instant d’une seconde, vous aimeriez que ce soit plus qu’un au revoir, mais vous vous reprenez : finalement, vous l’aimez bien, dans le fond, Harry, ce collègue qui vous veut du bien.
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